Après avoir participé aux championnats du monde AIDA, on aurait pu se poser la question de savoir si Remy Dubern allait tenir le coup ou plutôt la distance en participant 15 jours plus tard aux championnats du monde CMAS. A grand coup de médailles ( une de bronze et une d’or), il semble bien que le français est choisi de nous montrer à quel point sa motivation, son endurance et avouons le son talent pouvaient être immenses ! Une rencontre s’imposait !
1 Après une grosse actualité à Chypre, te voilà à Ischia pour un nouveau championnat du monde, comment s’est passée ton arrivée ?
Ces championnats profondeur CMAS comme l’équipe de France FFESSM sont une première. J’ai pu rencontrer une première partie de notre équipe lors du stage affutage et cohésion que j’ai organisé à Blue-Addiction La Londe Les Maures la semaine avant le départ. Mais ce n’est réellement qu’à Ischia que nous nous sommes retrouvés réunis au complet pour la première fois, athlètes et staff.
C’était une situation un peu intrigante pour moi, habitué à retrouver en compétition des amis et visages familiers. Mais notre passion commune pour l’apnée et la mer nous a permis de très rapidement faire connaissance, nous apprécier et commencer à avoir un bon esprit d’équipe.
2 Arrivé sur place, place aux épreuves et entrainements, que penses tu de ce spot et des conditions ?
L’endroit est magnifique. Un petit village de maisons colorées perché sur une falaise, une baie profonde et protégée, 200m de profondeur à 2 minutes du bord… Un staff italien accueillant et organisé. La première impression est excellente.
Une fois sur l’eau dès le lendemain j’ai de suite un sentiment de sécurité et de professionnalisme. Les italiens ont bien préparé l’événement. Par contre nous sommes en octobre et le temps est joueur. Houle, nuages, vent et courant s’invitent régulièrement pour venir compliquer les descentes. Un facteur que j’ai rapidement intégré dans mes annonces par la suite.
3 Hier, on te retrouve clairement en embuscade, une stratégie en quelque sorte ?
Oui, complètement. Les prévisions annoncent une tempête pour la fin de semaine, sachant que l’on sort à peine de la précédente. L’organisation a fait le choix de supprimer les jours de repos pour caser toutes les disciplines à la suite dans la petite fenêtre de temps clément. Enchaîner sans récup une descente profonde en bi-palmes dans laquelle j’ai peu d’entrainement et fatigante pour les quadriceps puis aussitôt un max en sans palmes aurait été périlleux.
A contre-coeur je me suis adapté et j’ai choisi de renoncer à mon envie dévorante de sortir mon meilleur niveau d’apnée. J’ai préféré réduire mes 2 annonces pour assurer les cartons blancs.
Hier en bi-palmes, j’étais la 5° annonce. La partie stratégie a été super excitante. Mes coach étaient à l’affut des performances des concurrents pendant que je me préparais. Nous avions décidé que si je n’avais pas de chance de podium, je ne descendrais pas et m’économiserais pour le CNF aujourd’hui. A 2 minutes de mon départ alors que je suis sur la ligne officielle à respirer sur le dos Patrick qui me coach me confirme à l’oreille un absent et une syncope. Je prends le départ en sachant que je joue la médaille de bronze. Terriblement stimulant !
4 Et là, c’est le top ! Tu valides ta descente en bi palmes et accroche une médaille de bronze, tu nous racontes ?
La plongée s’est parfaitement déroulée. Je n’ai pu faire qu’une unique plongée de préparation à 80m en France la veille de mon avion pour Naples. La précédente remontait à 2011 dans le Blue Hole à Dahab avant que je ne décide de bifurquer vers la monopalme pour goûter à la compétition. Par contre je n’ai pas quitté mes palmes de l’été alors que je travaillais dans mon école à La Londe. Cet entrainement de chaque jour a beaucoup joué dans mon succès hier. Mes palmes étaient un prolongement de moi-même.
5 Côté matos, tu utilisais quoi ?
A ce niveau là j’ai eu beaucoup de chance. L’école Blue-Addiction est est supportée par Subgear, la gamme apnée de Scubapro. Leur palme la S1 99% carbone est une arme. Minimaliste, avec un super carbone et un chausson très ajusté. Diablement efficace. Cette paire de palmes a contribué à me motiver à m’aligner sur l’épreuve.
6 Hier soir te voilà une nouvelle fois avec une annonce en embuscade et ce matin tu transformes l’essai de main de maître en accrochant la meilleur perf par une des rares descentes profondes parfaite ! Tu nous racontes ?
Sur le papier je ne suis pas le plus profond, loin de là. Mais la stratégie a été déterminante dans cette médaille d’or.
Depuis l’année dernière je me suis concentré sur le sans palme, avec 2m05 d’envergure et une pointure du 45, j’ai des avantages morphologiques ! Surtout c’est une discipline que j’adore, proche de ce qu’il y a de plus pur en apnée à mon sens et forte en sensations. J’ai pris le temps de peaufiner la technique de brasse, la technique de chute libre moins évidente pieds nus qu’avec une palme…
Je savais aussi que l’aguerrissement serait un facteur de réussite. J’ai choisi de faire la quasi intégralité de ma préparation à La Londe, en eau tempérée où l’on peut parfois aussi rencontrer un peu de courant ou de houle et des thermoclines pour me rapprocher au mieux des conditions que l’on rencontrerait lors de ces championnats.
Enfin, j’ai la chance de pratiquer la compétition en hobby, pour le plaisir, en complément de mon métier qui reste l’enseignement de l’apnée. Mon expérience m’a appris à ne plus écouter l’envie que nous avons tous de démontrer ce que nous savons faire, à ne pas considérer les annonces des autres pour tenter d’accrocher un podium, mais à faire des annonces engagées mais également maîtrisées, prudentes et humbles. Me faire plaisir avant tout, et ramasser en route les succès s’ils se présentent.
Ce cocktail a payé puisque ce matin au moment de prendre le départ j’étais serein. J’ai pu rester concentré sur mes sensations, oublier la technique qui est venue toute seule. J’ai glissé dans l’eau sans ressentir de difficulté particulière, autre que les muscles qui brûlaient vers la fin de la remontée évidemment ! J’ai pris un énorme plaisir à faire cette plongée. En arrivant en surface, après les quelques échecs que j’avais vu avant de partir, je pensais faire une deuxième médaille de bronze.
Lorsque l’on m’a appris quelques minutes plus tard que les 5 apnéistes avant moi avaient échoué et que j’étais champion du monde, j’étais sidéré et tellement heureux !
7 un situation rêvée et on serait tenté de te demander » et après ça, il te reste quoi à faire ? »
Tellement. 2015 a été une sacrée année, riche en émotions fortes. Je suis devenu papa, j’ai enfin ouvert une école sédentaire d’apnée à La Londe Les Maures, et maintenant ma saison d’entrainement est récompensée de la plus belle façon possible. Nous ne sommes qu’au début de nos projets avec ma compagne Audrey. Pour continuer, en janvier nous partons ouvrir une deuxième école permanente en Indonésie. Nous voulons partager notre vie entre la France l’été et ce fabuleux pays l’hiver, vivre ces aventures en famille. Mais j’ai déjà en tête des projets à 5 ans, à 10 ans.. La vie file trop rapidement, je ressens en permanence l’urgence d’en profiter !
8 Tu es avec Vincent Mathieu avec qui tu partages l’aventure Blue addiction, un plus ?
Oui. Vincent est un extra terrestre en apnée. Je l’ai repéré en février 2014 lors d’un stage que j’animais à la Réunion alors qu’il plongeait avec une facilité déconcertante à 40 mètres. Je lui ai proposé mon aide et depuis il m’a fait confiance. Il m’a suivi sur plusieurs stages profondeur et sur une formation d’instructeur apnée. Surtout j’ai eu la chance qu’il vienne m’aider cette saison pour l’ouverture de B-A La Londe, qui a été une aventure extraordinaire mais aussi très exigeante et fatigante. Nous avons partagé tous nos entrainements et sa motivation était un plus quand il fallait enfiler la combi pour la 3° fois de la journée après une journée de travail.
Vincent est un jeune homme plein d’énergie, de qualités et d’ambition. Il a déjà récolté ses propres succès personnels en piscine et s’il continue dans le même esprit, il me dépassera bientôt sur la profondeur. Il fera parler de lui sur les circuits internationaux !
8 le mot de la fin ?
Contrairement à ce que beaucoup pensent, faire de l’apnée est totalement naturel, notre corps est construit pour cela. Bien pratiquée, c’est un sport sûr et fort en sensations. La compétition n’en est que l’une des facettes, et il y a tellement de façons différentes de se faire plaisir dans l’eau. A bientôt sous la surface ?!
Merci à lui et encore bravo pour ces émotions énormes qu’il nous a offert. Si d’aventure vous désiriez le rencontrer et partager une « tranche » d’apnée, vous savez où aller maintenant: Blue Addiction la londe les maures !