Interview exclusive: Patrick Poggi nous raconte les raisons de sa contre perf.

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Bien préparé et affuté pour ces Championnats du monde outdoor CMAS à Ischia, ça n’aura pas suffit à Patrick POGGI pour s’imposer sur le poids constant. Nous revenons avec lui sur cette journée un peu éprouvante.

Patrick POGGI
Patrick POGGI

1 – Te voici à Ischia, comment s’est passé ton arrivée ?

Patrick POGGI : Mon arrivée à Ischia a été un peu laborieuse, le vol du dimanche 4 octobre de 6H40 que je devais prendre a été annulé suite aux catastrophes survenues à Nice. J’aurai du arriver à Ischia dans l’après-midi et finalement je suis arrivé le soir tard. Les conditions du lundi n’étaient pas excellentes pour l’entraînement avec une météo capricieuse mais l’important était de prendre des repères sur cette fameuse thermocline qui effrayait bon nombre d’entre nous .

2 – Côté préparation, comment as tu géré les 2 championnats du monde d’affilés ?

J’ai eu une saison professionnelle difficile physiquement. Mon futur métier passe par des étapes et j’en suis qu’au début. Je pensais pouvoir travailler et m’entraîner mais cela n’était vraiment pas possible même si j’ai eu des aménagements d’horaires et un soutien énorme de mon employeur.

Le championnat AIDA était un événement très important sur le plan psychologique, c’était l’occasion d’oublier mes vieux démons et j’ai réussi à pulvériser cette énorme casserole où il y a marqué en caractère gras -90 m.

Je traînais ce boulet depuis les championnats AIDA aux Bahamas en 2009 et j’en suis ressorti très fort mentalement. Mon objectif principal de la saison était ISCHIA,. je savais que je pouvais tenter un podium et Chypre faisait parti de mon plan de progression. J’ai débloqué une case restée coincée 6 ans auparavant et la progression sur la profondeur s’est faite beaucoup plus facilement que je ne l’aurai espéré quelques semaines avant .

J’ai fait un gros travail sur la compensation et l’adaptation à la profondeur avant Ischia et cela m’a donné beaucoup de confiance.

 Remy-et-PatrickPatrick et Rémy au départ du Bi palmes – Photo : Apnée FFESSM

3 – Pas trop dur à suivre mentalement, deux gros évènements d’affiler ?

C’est sur que se positionner deux fois d’affilé sur un câble de perf à deux endroits différents dans le monde n’est pas chose facile. Mais quand même, quand on relativise, on se dit que c’est pas donné à tout le monde de pouvoir faire ce genre de chose. Qui est assez fou pour se mettre autant de pression pour faire une apnée qui va durer 3 min max ?

La passion nous fait faire des choses extraordinaires et le mental après une victoire donne une puissance qui nous permet de nous dépasser.

4 – Hier soir, comment se passent les annonces pour toi ? Pas trop de pression pour le lendemain avec une position d’embuscade ?

Le moment des annonces est toujours un moment très délicat, très stressant, c’est à ce moment qu’on décide de ce qu’on veut faire, on choisit le sens que l’on donne au futur, à son futur, on ne se pose pas milles questions mais deux milles questions, c’est le moment de vérité on ne peut pas se mentir, se cacher, on s’expose aux regards des personnes qui nous entourent et il faut justifier le choix que l’on a pris.

Il y a deux possibilités, la première est de jouer la prudence avec une annonce raisonnée pour valider !! Bravo !! Bon choix quand on veut revenir avec un carton blanc pour se satisfaire dans une progression en sachant qu’on ne peux pas aller chercher le haut du tableau.

Mais quand on a une chance, qu’on a la possibilité de jouer avec les grands, avec les pros, ce qui sont là depuis 3 semaines pour se préparer. Et pas ceux, comme nous, qui arrivons 2 jours avant.

Quand on a cette chance parcequ’on se sent fort, que c’est le moment, on en est convaincu, sans prétention, sans être trop optimiste. Ca va être dur ? Oui, c’est vrai on le sait. On est pas prêt ? Mais à quel moment on est prêt ? Et bien c’est cette deuxième possibilité que j’ai choisis, j’ai envie de jouer avec ce qui sont payés pour pratiquer le même sport que moi. Un peu d’ego ? Oui, certainement, mais il en faut un peu pour réussir.

J’ai fais une belle saison, j’ai déjà obtenue des cartons blancs, maintenant je tente une 3ème place aux championnats du monde. Je tente 101 mètres, ce n’est pas beau comme objectif ? J’estime que oui.

Patrick-par-GuillaumePhoto : Guillaume NERY

5 – Et ce matin, c’est le grand jour, comment se passe ta descente et surtout ta remontée ?

Le réveil sonne assez tôt, je me prépare en prenant le temps, tranquille, je ne suis pas stressé, je suis tellement confiant que j’aborde cette matinée comme un entraînement.

Mon expérience me sert et me fait anticiper toutes les conneries improbables qui arrivent dans un tel moment. Je suis satisfait de mon échauffement et je me dis que c’est bon, c’est enfin le moment où tout ce passe sans problème. Extra !!! Un peu de soleil n’aurait pas fait de mal mais bon je vais pas faire le capricieux. Je suis concentré, dans ma bulle, jusqu’au moment où il y a un peu de panique suite à une énorme syncope du croate qui déstabilise l’organisation, je m’en fou, je ne vois rien les yeux fermés et les oreilles dans l’eau je ne veux rien savoir mais le temps et long, trop long pour que l’on me mette les profondimètres officiels, ça commence un peu à m’agacer et quelques tons de voix au dessus de la normale de la part de mon entourage me font revenir à la réalité … bon tant pis c’est normal. Les fameux imprévus, dont je parlais, et bien ça en fait parti. Aller j’accepte tout ça et me recentre sur ma perf. Arrivé sur le câble j’ai froid, Remy Dubern qui me coach essaye de me frictionner un peu pour me détendre et ça marche.

Une fois le canard effectué, c’est automatique, tout se passe comme prévu, tout est bon, parfait je me sens bien, ma vitesse est bonne jusqu’à 85 mètres, et là je sens qu’il y a une drôle de tension sur mon poignet qui porte la longe. J’ouvre les yeux et je ne vois plus le câble. Mince, j’avance plus, un fort courant me déporte, je donne un gros coup de palme pour me rapprocher de celui-ci et éviter que la longe ne soit plus tendue, dans l’effort je loupe une compensation et voila impossible de la récupérer, je ne suis pas du tout vertical à cause du courant et je vois les lumières du disque de fond, elles sont à quelques mètres, je force un peu et j’ai la tête dans un étau, j’ai l’impression que mes tympans se touchent tellement la pression est énorme. Stop, je fais une connerie, c’est trop tard, je sais que ça va être dure à la remontée. Généralement quand ça se passe comme ça, la sortie est très très dur ..  J’envoie pourtant sur un rythme normal et j’entends le scooter du premier apnéiste de sécu. Le passage dans l’eau chaude me rassure, je sens que je vais arriver en surface.

La suite c’est la question suivante…

6 – Arrivé en surface c’est le BO, comment l’as tu vécu sur le coup ? Pas trop déçu ?

Le câble est devant moi, je l’attrape mais je suis cuit, trop dur et je m’effondre. Je part dans le néant du black Out mais étonnamment je suis à moitié conscient sur la situation, c’est très bizarre ce souvenir que je n’arrive pas à décrire avec certitude. Je sais que je n’ai pas réussi, je reprends mes esprits rapidement mais là c’est plus bon. Mon premier geste est de taper sur l’eau comme quand on loupe quelques choses de peu, sans haine, juste une petite déception d’avoir loupé quelque chose de peu.

Selon toi, où est ce qu’il y aurait eu à gratter pour te permettre de valider ces 101m ?

Quand j’ai été pris par le fort courant au fond, j’ai du remettre un coup de palme pour retrouver de la glisse. Je pense que l’erreur vient dans ce coup de palme un peu trop violent, j’ai perdu l’air du mouthfil à ce moment là et par conséquent plus de compensation, les tympans écrasés par la pression, le stress augmente, la narcose est plus violente et que se soit à 97 mètres ou à 60 mètres c’est pareil, la sortie sera toujours difficile à gérer.

7 – La suite du programme maintenant pour Patrick Poggi ?

Rester encore un peu à Ischia pour soutenir et apporter du mieux que je peux mon expérience aux copains sur les épreuves restantes.

Retrouver ma compagne à Nice qui m’a toujours soutenu dans les moments difficiles et il y en a eu beaucoup. Re rentrer en corse pour retrouver la famille et les amis que je n’ai pas vus depuis trop longtemps.

Retourner à l’école pour passer le brevet de capitaine de navire et reconstruire mon avenir professionnel. Redécouvrir les fonds sous-marins et explorer des nouveaux endroits sur la Côte d’Azur ou autre part. Ré apprendre la chasse sous-marine parce que ça fait trop longtemps que je n’ai pas mangé un vrai poisson.

Ca fait beaucoup de « RE » .

8 – Le ou les mots de la fin ?

Je ne sais pas quoi dire pour la fin, je réfléchis et je le dirai à la prochaine interview …

Merci PSMCAFE.

A bientôt

 

Merci à lui et à très bientôt pour de nouvelles aventures.